MARAÎCHAGE
L’eau et les phytos au menu de Légumes de France

La raréfaction actuelle des solutions phytosanitaires pour les cultures et celle, à venir, de l’eau ont ponctué les échanges des producteurs de Légumes de France, réunis pour leur congrès annuel, les 16 et 17 novembre à Saint-Pol de Léon (Finistère).

L’eau et les phytos au menu de Légumes de France
Jacques Rouchaussé a annoncé qu’il ne se représentait pas, après avoir passé onze ans en tant que président de Légumes de France.©XRemongin

Le congrès de Légumes de France a été un rendez-vous particulier à plusieurs égards. D’une part, il s’est tenu dans une région de production durement frappée par la récente tempête Ciaran. D’autre part, il s’agissait du dernier congrès pour Jacques Rouchaussé, qui met un terme à sa présidence du syndicat après onze ans de mandat. Ce congrès a surtout été l’occasion de faire le tour d’horizon des actions du syndicat sur les différentes thématiques. Dans le contexte des inter­dictions de produits phytosanitaires, la protection des cultures demeure un sujet brûlant pour les maraîchers. Bon nombre de légumes se retrouvent aujourd’hui sans protection. Légumes de France estime que, parmi les 658 usages recensés en cultures légumières, 39 % sont vides. « Aujourd’hui, 34 légumes frais ont besoin d’une dérogation », s’est inquiétée Justine Texier, en charge du dossier. Cependant, l’action du syndicat semble porter quelques fruits.

Travail avec l’Inrae

Depuis le 1er janvier 2023, 16 dérogations ont été accordées à la suite de demandes portées par Légumes de France et une est en attente de validation. Un travail accompli grâce à l’appui technique du centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et la bonne collaboration avec les experts de la direction générale de l’alimentation. D’une manière générale, Légumes de France est engagé avec le CTIFL sur le suivi des solutions disponibles par cultures, couple bio/agresseurs, substances pivots et le syndicat a entamé en 2023 un travail conjoint avec l’Inrae. Cette actualité en a percuté une autre : la révision du référentiel Haute valeur environnementale (HVE). Certains points concernent le maraîchage hors sol, pouvant remettre en cause la certification de nombreuses exploitations, qui par leurs pratiques sont aujourd’hui certifiées HVE. À cela s’ajoutent les maraîchers, conventionnels cultivant en plein champ, qui rencontrent des difficultés à obtenir la certification HVE, parfois désavantagés par les barèmes de notation. Pour traiter ce sujet, Légumes de France a créé un groupe de travail afin de structurer les demandes de la filière et aboutir à des éléments incluant les spécificités du maraîchage (diversité variétale, mesures alternatives à la lutte chimique…) L’eau a été un autre sujet phare du congrès. 

Des réflexions autour de la ressource en eau 

« L’eau sera une priorité des prochaines années, a indiqué François Gemenne, coauteur du 6e rapport du Giec. Trop longtemps, elle a été vue comme une source surabondante. La question à laquelle il faudra répondre est celle de l’allocation de la ressource, au risque de se retrouver face à des vrais conflits. » Et d’évoquer l’évolution des cultures : « À l’avenir, on ne produira pas les mêmes légumes dans les zones actuelles de production. Il faudra certainement importer certaines variétés, mais aussi réussir à en exporter d’autres ». En termes d’irrigation, les participants se sont accordés à dire que la France pouvait faire mieux. « Certains pays ont fait face à ce problème plus tôt et les solutions qui ont été déployées dans les pays du Sud peuvent être une source d’inspiration », a estimé François Gemenne. Et Jacques Rouchaussé d’abonder dans le même sens en évoquant la mise en place d’une réflexion entre Légumes de France et certains centres techniques israéliens après une visite d’étude sur place : « 95 % de l’eau est recyclée en Israël. Et il existe même des programmes pour développer des variétés de légumes pouvant accepter l’eau saumâtre ». Les échanges ont aussi beaucoup tourné autour des retenues collinaires (que semblent privilégier les producteurs) et du recyclage de l’eau usée, déjà développée par exemple en Espagne : « Le modèle espagnol n’est pas vertueux : des cycles trop rapides entraînent un assèchement global », a néanmoins averti Marie-Christine Huau, directrice « Grand cycle de l’eau » chez Veolia.

P. G.