Les robots peuvent-ils permettre de développer l’agroécologie ? C’est la question que pose Cédric Seguineau, directeur du Grand défi de la robotique agricole et docteur en ingénierie.
L’agroécologie qui « est une façon de concevoir des systèmes de production s’appuyant sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes » se développe de plus en plus. Mais ce mode de production se heurte à certaines limites. « Il va falloir interagir avec chaque plant. La nature est complexe, il faut donc que nous ayons accès à de très nombreuses données », explique le docteur en ingénierie. Mais il reste des incertitudes quant à la capacité du monde agricole à utiliser cette approche sur l’ensemble du système. Cédric Seguineau estime qu’il y a de nombreuses méthodes très prometteuses d’agroécologie. Cependant, cette approche agricole demande énormément de travail humain. « Nous serons dans une impasse tant qu’il n’y aura pas d’aides pour permettre aux agriculteurs de déployer ces techniques à grande échelle », assure-t-il. En parallèle, la robotique se perfectionne et le nombre de robots disponibles dans les exploitations agricoles ne cesse d’augmenter. Mais cette utilisation des nouvelles technologies ne change rien au modèle de production.
L’impact environnemental des robots
Pour Cédric Seguineau, il est nécessaire d’évaluer l’impact de ces nouvelles technologies sur l’environnement. Dans ce cadre, une analyse du cycle de vie comparative a été réalisée par Naïo Technologies et l’Inrae, pour le robot désherbeur Ted, développé par la société et créé en 2011. « L’enjeu est de faire une comparaison avec des scénarios de référence, afin de savoir si nous sommes plus ou moins impactants », explique Cédric Seguineau. L’étude a été réalisée à partir de 27 scénarios différents. Les itinéraires robotisés ont été comparés à des itinéraires conventionnels chimiques, ainsi qu’à des itinéraires biologiques avec utilisation d’un tracteur conventionnel, sur trois terroirs différents (Languedoc-Roussillon, Charentes et Val de Loire). Cette étude a mis en évidence qu’il y avait des domaines sur lesquels le robot était moins impactant qu’un tracteur, mais d’autres où il l’était plus. « Sur tout ce qui est lié aux émissions de CO2, et plus globalement au réchauffement climatique, le robot a une incidence plus faible. Cela s’explique parce qu’il est électrique, donc il y a moins d’émissions dans le champ. Mais elles ne sont pas nulles pour autant, car il faut le transporter avec un véhicule jusqu’à la parcelle. Cela reste quand même bien plus faible. » Ted consomme en revanche plus de ressources minérales, « en lien avec tout ce qui est relié globalement à sa fabrication. Les robots ont des durées de vie plus faibles et sont principalement utilisés en mono-tâche pour le désherbage. En clair, une heure d’utilisation du robot, par rapport à toutes les heures disponibles pour le fabriquer, va consommer plus de ressources qu’une heure d’utilisation d’un tracteur, utilisé pour plein d’autres choses, et qui a une durée de vie un peu plus longue », explique Cédric Seguineau, qui se veut toutefois rassurant. « Cela ne veut pas dire que la technologie est plus polluante que celle d’un tracteur, car ce sont les mêmes composants électroniques, à peu près les mêmes tonnages, etc. C’est simplement que le robot n’est pas, pour l’instant, autant utilisé qu’un tracteur. Mais cela va se gommer très vite quand ils se seront déployés », prévoit-il. Ce type d’étude permet aux constructeurs de comprendre là où les robots impactent le plus ou le moins, et peuvent ainsi orienter leur développement. « Pour Ted, l’une des conclusions a été de dire qu’il fallait augmenter la durabilité de la machine et diversifier les tâches agricoles pouvant être réalisées, de manière que son taux d’utilisation augmente. », détaille le co-réalisateur de l’étude. « Il est absolument nécessaire de généraliser ces études comparatives, afin que chaque constructeur puisse fabriquer un robot éco-conçu. Nous ne pouvons pas pousser vers l’agroécologie en utilisant des outils qui ont peut-être un impact plus important sur l’environnement que des tracteurs conventionnels. Nous allons faire en sorte d’avoir ce narratif auprès des décideurs car, au bout du compte, il faudra savoir qui va payer ces nouveaux équipements », conclut Cédric Seguineau.