TROIS QUESTIONS À
« La prévention et la détection restent les moyens de lutte les plus efficaces »
Afin de réduire leur consommation d’antibiotiques, des éleveurs se tournent vers des alternatives dites « douces ». Selon le vétérinaire et spécialiste des anti-infectieux, Christophe Hugnet, leur utilisation doit néanmoins s’accompagner d’une grande attention et précaution.
Les éleveurs doivent-ils s’inquiéter d’une pénurie d’antibiotiques ?
Christophe Hugnet : « En médecine vétérinaire, l’approvisionnement n’est pas une problématique majeure. Les molécules chimiques qui entrent dans les principes actifs d’un certain nombre de médicaments peuvent être produites dans des pays à bas coût tels que la Chine ou l’Inde, mais la fabrication du produit fini se fait en majorité en Europe, à la différence des médicaments humains. Certains médicaments peuvent ponctuellement être en rupture pour un laboratoire, mais la France a, pour l’instant, de nombreux laboratoires pharmaceutiques vétérinaires qui produisent sur le sol français ou européen. Cela nous rend bien moins tributaires du marché mondial. En revanche, les vétérinaires sont confrontés à de récurrentes pénuries de vaccins du fait de leur moindre rentabilité thérapeutique. Cela concerne notamment les vaccins liés à la prévention contre les maladies abortives, ou contre l'entérotoxine, qui est une maladie bactérienne digestive. »
Quels sont les moyens alternatifs mis en place pour réduire l'utilisation d'antibiotiques ?
C.H. : « Je tiens tout d’abord à rappeler que la prévention et la détection restent les moyens de lutte les plus efficaces pour éviter les transmissions. Dès qu’une maladie apparaît, il est indispensable de la traiter le plus tôt possible dans l’effectif. Les règles de biosécurité, telles que la maîtrise de l’hygiène et des mouvements d’animaux, sont également primordiales. Avec l’apparition des médicaments contre les maladies bactériennes, ces notions essentielles ont été parfois mises à l’écart. D’autres moyens alternatifs sont actuellement envisagés, à condition qu’ils soient inoffensifs, efficaces et évidemment contrôlables. À titre d’exemple, l’homéopathie est une pratique discutée, mais elle ne doit pas mettre en danger les animaux en induisant un retard de prise en charge qui soit plus efficace. »
La phytothérapie fait-elle partie de ces alternatives ?
C.H. : « Si peu de pays utilisent la phytothérapie, elle n’en reste pas moins un sujet important en France. Les éleveurs et les propriétaires d’animaux sont même en demande. Il faut dire que les premiers médicaments utilisés contenaient des substances issues des plantes ou des extraits d’animaux. Le monde vétérinaire est d’ailleurs sensibilisé à cette pratique, puisque les professionnels ont des cours de botanique et de phytothérapie au cours de leur formation initiale. Cette pratique alternative comporte trois objectifs, difficiles à confirmer scientifiquement. Le premier est de renforcer les défenses immunitaires, le second est de gérer les conséquences de la réponse inflammatoire comme la fièvre ou un œdème, tandis que le troisième est d’agir comme un antibactérien grâce à des substances issues des plantes, comme le thym. Dans ce troisième cas, il a néanmoins été prouvé que l’exposition non raisonnée à ces substances peut induire une antibiorésistance croisée aux antibiotiques plus classiques, comme l’amoxicilline. Le danger est de faire croire que la phytothérapie peut remplacer les antibiotiques. Ce n’est pourtant pas de la magie : nous ne pouvons pas faire n’importe quoi sous prétexte qu’il s’agit de plantes. »