« France : veux-tu encore que tes paysans te nourrissent ? »
Le réseau FRSEA et JA Auvergne-Rhône-Alpes a mobilisé ses troupes ce mardi 21 février. 300 personnes accompagnées de 150 tracteurs ont donné de la voix pour exiger de la clarté et du courage politique de la part de l’État.

Même si le travail ne manque pas en ce moment sur les exploitations, nombreux sont ceux, qui à l’appel de leurs syndicats FNSEA-JA, ont convergé vers Lyon ou Clermont-Ferrand, mardi matin. Objectif : dire combien, quotidiennement, ils sont empêchés dans l’exercice de leur métier. Les agriculteurs font face à des impasses techniques liées à la suppression de produits sans alternative crédible, et à des prix encore trop bas malgré la non-négociabilité des coûts de production sanctuarisée par la loi Égalim.
La gestion des risques climatiques ne présagent rien de bon pour l’avenir, car elle s’appuie sur des outils défaillants et sur une politique de l’eau dogmatique quand elle devrait être pragmatique. Qu’ils soient à l’aube ou à la fin de leur carrière, les agriculteurs sont inquiets. Tous partagent cette impression diffuse, que le secteur agricole pourrait être le prochain sur la liste du démantèlement de la souveraineté française, après l’industrie.
Inquiets mais pas résignés
« Il n’y aura pas de grand soir la semaine prochaine. Mais par notre mobilisation, nous faisons avancer les sujets. C’est important à la veille d’un rendez-vous comme le Salon international de l’agriculture. Le gouvernement ne peut pas d’un côté nous mettre sans cesse des bâtons dans les roues et de l’autre ouvrir grand les vannes de produits d’imports ne respectant pas le dixième des normes européennes », a lancé aux manifestants, David Chauve, secrétaire général de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes.
Réunis devant le siège de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) Auvergne-Rhône-Alpes à Lempdes, à proximité de Clermont- Ferrand, les quelques 150 manifestants ont allumé un feu gigantesque, après avoir déversé fumier, pneus usagés, laine... Bloquant ainsi l’entrée de l’établissement. De la fumée épaisse et opaque qui s’en dégageait, certains y ont vu un écho au manque de transparence qui subsiste encore aujourd’hui dans la chaîne alimentaire, avec des industriels et une grande distribution qui continuent leur jeu dangereux de poker-menteur.
« Ça suffit au producteur ? Pas de notre responsabilité »
Illustration au centre Leclerc du Brézet à Clermont-Ferrand, l’un des trois centres visités par les agriculteurs avec Carrefour à Issoire et Cora à Lempdes en milieu de matinée. Les dirigeants du magasin interpellés par la délégation multiplient les arguments pour expliquer qu’ils ne travaillent qu’en local, qu’ils sont indépendants, que la traçabilité est leur priorité… Lorsque vient le moment de connaître le prix d’achat de la viande au producteur, les deux hommes répondent : « Cela se joue à un autre niveau, ce n’est pas de notre responsa-bilité ». Sauf que la loi prévoit bien que la valeur de la matière première soit portée à la connaissance de l’acheteur. « Que faudrait-il faire alors ? Que je demande à l’éleveur si ça lui suffit ? », s’est emporté le responsable du rayon boucherie.
Cette référence à la suffisance était définitivement malvenue. Elle témoigne surtout , selon David Chauve, du peu de considération de la GMS envers les paysans : « Vous connaissez le nom de l’éleveur qui approvisionne en viande votre rayon pour assurer la traçabilité, mais vous ne savez pas combien cette personne est payée ! ». Un comble.
Sophie Chatenet
Entendu en manifestation
- Sabine Tholoniat, présidente de la FNSEA63 : « Merci pour cette mobilisation qui en appellera d’autres si l’État n’est pas au rendez-vous. Il serait temps que nos gouvernants comprennent que l’agriculture est un secteur stratégique ».
- Jean-Paul Peyral, président de la section laitière du Cantal : « La loi Égalim était sur une bonne ligne de départ, sauf qu’on ne voit pas encore la ligne d’arrivée avec un prix du lait payé au producteur qui reste encore en-deçà des coûts de production ».
- Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA : « Le sujet important c’est d’aller contrôler dans les grandes surfaces si les produits mis en avant sont bien étiquetés “Produits et transformés en France”. Aujourd’hui on sait que certains vendent de l’agriculture française alors que ce n’est pas de la production française qu’il y a derrière les étals ».
- Christophe Jardoux, président de la FNSEA03 : « Une seule question se pose au chef de l’État : veut-il des agriculteurs qui produisent ou juste des agriculteurs qui entretiennent le paysage ? »
- Anthony Fayolle de la FDSEA de la Haute-Loire : « Ne pas attendre qu’il soit trop tard pour agir pour notre agriculture. Les pouvoirs publics ont cette responsabilité ».