Culture
La Maison des Voisins : un musée…pas comme les autres !
Paris a son musée Grévin, tandis que Londres a son musée Tussauds. La Drôme a quant à elle la Maison des Voisins, un musée insolite et totalement déjanté, implanté en pleine campagne.

À une quinzaine de kilomètres de Montélimar, dans la Drôme, la Maison des Voisins n’a pas encore la notoriété du célèbre musée Grévin à Paris, où figurent de nombreuses reproductions en cire de personnalités de la chanson, du cinéma, du théâtre, de la politique (entres autres), et des sportifs connus. Mais depuis deux ans d’existence, le musée de Saint-Gervais-sur-Roubion gagne à se faire connaître. A l’intérieur d’une ancienne étable, d’une superficie de 200 m², des mannequins en résine polyester de taille humaine prennent possession des lieux, de part et d’autre. Les « Voisins », comme aime les appeler le sculpteur plasticien Claude Merle qui les a créés, ont déjà du vécu. « Les premiers Voisins de ma collection sont nés en 1983 et se sont multipliés au fil des années. Ils sont aujourd’hui près de quatre-vingt », annonce Claude Merle. Ces personnages particuliers, qui dévoilent tous une personnalité différente, ont posé leurs valises en Drôme provençale, après 35 ans passés à voyager, à travers plus de trois cents expositions lors de festivals et d’événements organisés en France et dans le monde entier (Belgique, Suisse, Allemagne, Espagne, Autriche, Etats-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Grande-Bretagne, Lituanie, etc.).
Ironie et humour noir
Originaire de Chambéry (73), c’est en 1977 que l’artiste autodidacte s’installe dans la Drôme. Depuis quelques années, il créé et anime des ateliers de masques et grosses têtes. Dès 1980, il travaille pour le théâtre (Comédie de Saint-Etienne, Théâtre des Ateliers à Lyon, Compagnie Serge Papagalli, Théâtre Action à Grenoble) et réalise ses premiers mannequins. En parallèle de la création de ses « Voisins », Claude Merle fabrique sur commande des mannequins pour d’autres lieux, comme la tour de Crest ou le palais des Bonbons du nougat et des souvenirs (26), le musée Joan Bodon (12), le musée des Curiosités (06), etc.
Ainsi, depuis le printemps 2020, la Maison des Voisins ouvre ses portes, d’avril à novembre, au grand public avare de curiosité. Car tout visiteur qui pénètre à l’intérieur de cette ancienne étable entre dans un monde aussi surprenant que déjanté, mêlant ironie et humour noir.
Un musée loufoque par excellence
« Je ne fais que des choses farfelues », plaisante Claude Merle. « Contrairement au musée Grévin, mes mannequins ne sont pas les plus beaux ou les plus célèbres. Il ne faut pas que le public s’attende à voir des vedettes ici (rires) ni à voir un musée historique, ni un musée des métiers, ni un musée folklorique, ni un musée d’art contemporain ! C’est avant tout un musée insolite et décalé. Ce sont des personnages que j’ai souhaité mettre en scène en les intégrant dans des décors qui racontent des histoires et des moments de vie ». Ainsi, le plasticien a mis en scène un bureau des réclamations ou une salle d’attente dans le hall d’accueil, une brocante, une boucherie, un bar, un atelier de mécanique, une cour de ferme, une cuisine, ou encore un bar, une fanfare municipale, un banquet de mariage, etc. Ici, les personnages se fondent dans le décor.
Des scènes « rétro »
Le créateur des Voisins s’est d’ailleurs attaché à mettre l’accent sur les décors, plus réalistes que jamais. « Cette scénographie est l’œuvre de nombreuses années, durant lesquelles j’ai arpenté les brocantes à la recherche d’objets ou d’outils anciens, de costumes d’époques, etc. J’ai ainsi récupéré des objets en fin de vie, pour leur en redonner une », se réjouit l’artiste. Il a également pu compter sur les dons de connaissances pour alimenter son panel de décors. Les mannequins, qui ont tous un prénom attribué par Claude Merle, sont autant grotesques que drôles. Immobiles et silencieux, ils paraissent toutefois très humains, tant leurs expressions de visage sont réalistes. De ce fait, la découverte des différents tableaux peut s’avérer déstabilisante, voire déconcertante, avec tant de regards qui semblent se poser sur les visiteurs. « Aujourd’hui, les Voisins habitent, voire hantent, cette Maison », s’amuse à dire l’artiste plasticien. Un musée inédit où l’humour est de mise avec des petits messages non conventionnels à dénicher tout au long de la visite. Porté par l’association loi 1901 La Compagnie des Voisins, le musée n’est pas la seule attraction du lieu. En effet, les bénévoles ont installé une tente de 72 m² dans le pré, et organise concerts, pièces de théâtre, spectacles, etc., pour faire vivre davantage ce petit coin rural de la Drôme provençale.
Amandine Priolet
La conception des mannequins
Après avoir passé des décennies à créer sa grande famille des Voisins, Claude Merle a fait une pause de 2005 à 2020. « Pendant les confinements, je me suis amusé à refaire des mannequins pour compléter mon musée », avoue-t-il. S’il ne créé plus aujourd’hui, Claude Merle a toutefois passé de nombreuses heures à concevoir ses mannequins, de l’imagination à l’habillage, en passant par le modelage, le moulage et la peinture. Pour un personnage, il faut compter entre huit et dix jours. Il réalise d’abord les têtes jusque dans les moindres détails (taille, expression, défauts, laideur, etc.) en s’inspirant de photos découpées dans des journaux ou prises sur le vif. « Les têtes sont d’abord modelées en argile, puis moulées en plâtre et silicone. Puis elles sont tirées en résine polyester et fibre de verre et enfin peintes à l’acrylique », détaille-t-il. Quant aux corps des mannequins, ils sont taillés dans du polystyrène puis résinés. « Les mains sont moulées, les membres articulés pour certains », ajoute l’artiste. Après l’assemblage des différentes parties « pour leur donner vie », Claude Merle s’amuse à habiller ses mannequins à partir de vrais vêtements de récupération, qu’il chine ou qu’il acquiert, comme ce lot de costumes d’une fanfare suisse qui habille parfaitement les musiciens de l’Orphéon municipal.
A.P.

Le Musée Grévin a 140 ans !
Loin de nos campagnes rurales, le musée Grévin, connu pour ses célèbres statues de cire, a ouvert ses portes le 5 juin 1882 dans le neuvième arrondissement de Paris. Il porte le nom d’Alfred Grévin, dessinateur humoristique, caricaturiste, sculpteur, créateur de costumes et décorateur de théâtre (1827-1892), et premier directeur artistique du musée. L’idée de la création de ce musée réputé dans le monde entier provient du journaliste et fondateur du quotidien Le Gaulois, Arthur Meyer, qui souhaite présenter à ses lecteurs les personnalités qui font la Une de son journal, alors que les photographies sont, à cette époque, que très peu utilisées dans les médias. Au fil des années, de nouveaux décors et de nombreuses stars du cinéma, de la politique, de la chanson, du sport, etc., font leur entrée dans le prestigieux musée Grévin, à tel point qu’il compte aujourd’hui près de 250 statues de cire sur les plus de 2 000 créées depuis l’ouverture. Aussi, plus de 60 millions de visiteurs ont parcouru les allées du musée depuis sa création il y a 140 ans.
A.P.